Fille du comte de Lalaing, Philippe-Christine Lalaing épousa Pierre de Melun (1550-1594), prince d’Epinoy et gouverneur de Tournai. Ce dernier, parti attaquer Gravelines, laissa à sa femme le soin de défendre la ville. Lors de l’attaque de Farnèse contre Tournai, la princesse d’Epinoy opposa une vigoureuse résistance. Elle cria à ses soldats, « c'est moi, c'est la femme de votre gouverneur qui marche à votre tête et sait braver la mort pour le service de la patrie ; suivez mon exemple, je quitterai plutôt la vie que la brèche ». Elle reçut une blessure au bras en repoussant un assaut. Malgré sa défaite lors de cette bataille, son courage lui valut d’être célébrée par la ville. Une statue en bronze fut érigée en son honneur sur la grand-place en 1863 par Aimable Dutrieux. Cette mise à l’honneur est d’autant plus symbolique qu’elle est considérée comme le premier monument dédié à une femme présent dans l’espace publique belge. Malgré les bombardements lors de la Seconde Guerre mondiale qui détruisirent la grand-place, cette statue resta indemne.
Pendant la première moitié du 16ème siècle, alors qu’elle était sous le
joug des Espagnols catholiques, Tournai était un important foyer de
protestants qui furent longtemps pourchassés et tués. Parmi eux, cinq
femmes protestantes : deux ont été enfouies dans un sac puis jetées
dans l’Escaut, une autre fut enterrée vivante sous la Grand-place,
accusée d’être remplie de venin et une dernière, Marie Dentière, réussit à
échapper de ce destin fatidique.
Supérieure d’un couvent catholique à Tournai, elle fuit pour la France
après s’être convertie au protestantisme. Mariée, puis veuve d’un pasteur,
elle part pour la Suisse où elle épousera à nouveau un pasteur. À la même
période, elle côtoie Calvin contre qui elle va ardemment s’opposer. Grande
théologienne protestante, elle est connue pour ses revendications autour de
la place des femmes dans le protestantisme. Dans ses écrits, elle défend
notamment le droit des femmes à étudier la bible et à devenir pasteures. Son
nom est ajouté sur l'initiative d'Isabelle Graesslé, directrice du Musée de la
Réforme, au Monument international de la Réformation, dit « Mur des
réformateurs », à Genève le 3 novembre 2002. C’est l’unique nom de femme
figurant sur ce monument !
La Naïade est une statue en bronze représentant une femme nue réalisée par George Grard en 1950. Lors de son installation sur le Pont-à-pont, elle suscita immédiatement de vives réactions du fait de sa nudité. Le Courrier de l’Escaut lance alors la polémique en parlant de la Naïade en ces termes : « C'est laid et malpropre. Il faudra qu'on retire cette saleté qui choque l'art autant que la morale ». L'évêque de Tournai exige son retrait immédiat, sous peine de modifier le parcours de la Procession de Croix, craignant le voyeurisme des fidèles. La statue fut d’abord recouverte puis déboulonnée de son socle du Pont-à-Pont, rebaptisé celui de la « salope ». Elle fut placée sous le pont de la rive droite, à l’abri des regards, jusqu’en 1984. Aujourd’hui, elle est devenue un symbole de liberté mais aussi la patronne du carnaval de Tournai.
Grande sportive cycliste, motocycliste, automobile et première femme belge devenue
aviatrice. L’audace est probablement le trait de caractère qui définit au mieux Hélène
Dutrieu.
Elle devient la première pilote belge en 1908. Malgré un crash lors de son tout premier
atterrissage, elle ne quitte plus son cockpit, enchaîne loopings et meetings d’aviation. La
légende dit que ses loopings étaient si extraordinaires qu’il lui fut interdit d’en faire, de peur
que les spectateurs fassent des arrêts cardiaques.
L’aviation est un milieu d’hommes. Ainsi, ce n’est pas pour ses performances d’aviatrice
qu’Hélène Dutrieu a d’abord défrayé la chronique mais parce qu’elle avait l’audace de piloter
sans corset.
Assoiffée de pouvoir, cruelle, meurtrière ou reine avisée, femme de bon conseil,
adroite et circonspecte ? Frédégonde, épouse de Chilpéric Ier et reine de Neustrie, règne au
côté de son époux puis seule de 584 à 597. Elle joue un rôle crucial dans la guerre entre les
rois francs au 6ème siècle. Cette guerre a vu deux frères ennemis se déchirer : Chilpéric et
Sigebert.
Cet épisode de l’époque mérovingienne est représenté sur les vitraux de la
Cathédrale de Tournai, cité royale durant le règne des premiers mérovingiens. Vers 575, à
la suite d’une défaite contre Sigebert, Frédégonde et Chilpéric se réfugient précisément à
Tournai.
Une légende noire entoure Frédégonde, elle serait à l’origine de meurtres politiques
et stratégiques : La reine Galswinthe ; Sigebert Ier roi d’Austrasie ; la Reine Audovère,
première épouse de Chilpéric ; Clovis et Mérovée, fils de Chilpéric et Audovère ; Saint
Prétextat, évêque de Rouen et Chilpéric.
Au cœur de la guerre entre les rois francs, Frédégonde a habilement tiré les ficelles
de ce drame royal pour assurer la gloire à sa propre descendance.
Cambrai a ses bêtises et Tournai ses ballons noirs. Les ballons noirs sont des
sucreries, à la fois médicament graissant pour la gorge, et bonbon, douceur en bouche.
Cette gourmandise a été créée aux alentours de 1838 à Tournai, probablement par
la famille Dupont. À l’époque, les mines tournent à plein régime et les ballons noirs sont
plébiscités par les mineurs. Fabriqués à base de cassonade, de sucre et de glucose, cette
spécialité tournaisienne adoucissait leur gorge abîmée par la poussière des mines.
Les ballons noirs de Tournai sont en partie devenus célèbres grâce à deux sœurs de
la famille Dupont : Marie-Joseph Ghislaine et Mathilde. Leur mère devenue veuve, elles
prennent en main l’usine de fabrication des bonbons. Elles lancent ce que l’on pourrait
appeler un « marketing » autour des sucreries. Audacieuses et dotées d’idées de génie,
elles se sont fait connaître en faisant leur publicité sur des sachets papiers vendus avec les
bonbons. Si cette stratégie marketing est bien connue aujourd’hui, à l’époque, elle était
novatrice !
Une seule maison fabrique encore les ballons noirs selon la recette ancestrale : la
Maison Quesnoy située Place Crombez à Tournai.
En Marie de Mortagne était une châtelaine tournaisienne, du début du 14ème .
Souvent courtisée, en raison de ses biens et de ses terres, elle était la seule héritière de la
Seigneurie de Mortagne et de la châtellenie de Tournai.
En 1300, elle se marie avec Jean de Brabant. Quand il meurt deux ans plus tard sur
le champ de bataille, la châtelaine fut victime d’une grande supercherie, organisée par le Roi
de France pour s’emparer de ses terres. Quelques mois après la disparition de son mari,
Louis d’Evreux, demi-frère cadet du Roi, se présente à la porte de Marie de Mortagne
comme son mari ressuscité. Elle se laisse berner et commence une vie commune avec
Louis d’Evreux.
Mais l’entourage doute, si bien que Louis d’Evreux dut dévoiler l’imposture. Suite à
cela, Marie de Mortagne fut discréditée, elle meurt en 1313.
Résistante tournaisienne de la Première Guerre mondiale, Gabrielle Petit est célèbre pour son
engagement politique. Pendant la guerre, elle devient infirmière à la Croix-Rouge. En 1914,
son fiancé prisonnier des Allemands réussit à s’évader. Elle l’accompagne et l’aide à
rejoindre les troupes belges en France.
Peu de temps après, Gabrielle Petit part en Angleterre pour se former à l’espionnage.
Rapidement, elle est envoyée en mission. Intrépide, elle collecte de nombreuses
informations sur l’armée allemande et leurs communications ferroviaires, elle distribue de la
presse et des courriers clandestins.
Plusieurs fois soupçonnée et interrogée, elle se fait arrêter le 20 janvier 1916 par les
Allemands, qui reconnaissent dans leurs rapports que Gabrielle Petit était intelligente, une
grande espionne. Elle sera fusillée le 1er avril, elle avait 23 ans.
Après la guerre, elle sera érigée au rang d’héroïne nationale belge.
Attachée à Tournai, l’artiste Stella Laurent produit de nombreuses œuvres pour la ville.
Pendant ses études aux Beaux-Arts, elle se spécialise dans la sculpture et le relief. Après la
Seconde Guerre mondiale, l’artiste va décorer de fresques et de bas-reliefs les façades en
reconstruction. Elle sculpte aussi de nouvelles statues pour le Beffroi de Tournai, en 1948.
Stella Laurent s’intéresse aux visages et expressions. Sont conservés au Mufim certains
bustes qu’elle a sculptés. En mars 1984, elle produit une tête de géant en l’honneur d’une
Tournaisienne : Germaine Dupret, membre de la Société du Carnaval de Tournai des
Pêcheurs Napolitains et figure locale. Stella Laurent a également sculpté la géante Laurette.
Stella Laurent laisse, en 2004, un matrimoine artistique important.
Sous le porche occidental de la cathédrale se trouve la plus ancienne statue du bâtiment, elle date d’environ 1300 et représente la Vierge. Cette statue est significative de l’essor que connaît cette figure au cours des 11ème et 12ème siècles dans la ville de Tournai. Figure maternelle par excellence, la population s’en remet à elle, la surnomme « Notre Dame des malades », et lui fait des offrandes. Lors de guerres, elle place les clefs de la ville au pied de la statue, pour remettre entre ses mains le destin de la cité. Marie servait aussi à célébrer des victoires : après la guerre de 100 ans et la victoire contre les Anglais, sa statue est portée en cortège dans la ville !
Originaire de l’Artois, la sœur franciscaine Marie Gressent avait un pouvoir de guérison et se disait descendante de Saint Hubert. Lorsqu’elle arrive à Tournai, elle convainc l'évêque François Villain de Gand de fonder la Confrérie de Saint-Hubert. Dans une requête survenue peu après sa mort, en 1699, il est demandé que cette confrérie compte toujours parmi les soeurs : « une descendante de la famille à qui ce saint a communiqué et entretenu par des miracles journaliers, le pouvoir d'affranchir tant les personnes que les bestieaux, qui ont le malheur d'être attaqués de la rages ». Sur la pierre tombale de Marie Gressent, conservée dans la cathédrale, l’épitaphe indique qu’elle « at faict ériger cette confrérie à l'honneur de Dieu et du Grand Saint Hubert et de la race duquel elle tiroit son extraction et au nom duquel elle guérissoit ceux qui estoient affligez de [l']horrible mal de la rage ».
À Tournai, les résistantes sont mises à l’honneur : elles ont donné leur nom à des rues, des monuments sont érigés en leur honneur. Durant la Première Guerre Mondiale, les femmes ont largement participé à l’effort de guerre. Ce sont elles qui ont remplacé les hommes dans l’industrie et qui sont devenues des cheffes de famille. Pourtant, à la fin de la guerre, avec le retour des hommes au foyer, elles ont perdu petit à petit leur privilège. Durant la Seconde Guerre Mondiale, les femmes ont de nouveau remplacé les hommes, allant même jusqu’à entrer dans la Résistance. C’est par exemple le cas de Marguerite Bervoets, femme de lettres et enseignante, qui en 1941 lance le journal La Délivrance, dont elle est la principale rédactrice. Elle va aussi mettre en place une antenne sanitaire à Tournai, dans l’éventualité d’un débarquement allié. Elle est arrêtée et déportée en 1942 avec Cécile Detournay, infirmière résistante, alors qu’elles prenaient en photo le champ d’aviation de Chièvres. Marguerite sera condamnée à mort en 1944, et Cécile sera libérée en 1945 de la prison d’Aïchach. Si ces noms sont familiers, c’est parce que Marguerite et Cécile ont donné, comme 5 autres résistantes, leurs noms aux eoliennes de la ville de Tournai !