« Mon corps, mon choix ». Ce slogan qui, lorsqu’on le lit pour la première fois, semble être une
évidence. Mon corps m'appartient, donc il semble logique que je puisse en faire ce que je souhaite.
M’habiller en minijupe ou en hijab, c’est mon choix ; désirer ou non des enfants, prendre la pilule
ou non, c’est mon choix. Dans une société patriarcale, ce slogan prend toute son importance, nos
choix ne semblent pas si faciles. Est-ce vraiment moi qui ai décidé ?
Ces choix, du plus anecdotique au plus compliqué, sont dictés par la société. Ces formes de
violences faites aux femmes sont multiples et profondément ancrées dans la société entraînent un
contrôle du corps des femmes et sont difficiles à déconstruire.
Dans cette partie de l'exposition, il
n’est pas question d’énumérer toutes ses violences, mais de se concentrer sur le domaine médical.
Cet espace t’offre les clefs pour comprendre comment la médecine conventionnelle créée par des
hommes, pour des hommes, a mis en place des outils qui contrôlent toutes les personnes concernées
par les cycles menstruels. Pourtant, paradoxalement, cette médecine peut aussi nous permettre
d’échapper à ce contrôle.
« Notre soumission est renforcée par notre ignorance, et nous sommes forcées à rester
ignorantes. On
apprend aux infirmières à ne pas poser de questions, à ne pas contester. « Le docteur sait
mieux que
vous. » Il est le chaman, en contact avec un monde défendu, mystique, complexe, celui de la
Science
qui, ainsi qu’on nous l’a enseigné, est hors de notre portée. Les travailleuses de la santé
sont
dépossédées de la substance scientifique de leur travail, limité aux occupations « féminines »
de nourrice et de ménagère. On nous dit que notre soumission est biologique : les femmes sont
par
nature infirmières et non médecins. (...)
Selon un autre mythe, entretenu par les
histoires
conventionnelles de la médecine, les professionnels masculins l’auraient emporté par la
force de
leur technologie supérieure. (...).
Mais l’histoire contredit ces théories. (...)
L’élimination des
femmes des métiers de la santé et l’accession au pouvoir des professionnels masculin ne
furent pas
un processus « naturel », résultant automatiquement d’évolutions de la science médicale ; ils
ne
furent pas non plus le résultat d’une incapacité des femmes à prendre en charge le travail
de soin.
Il y eut une prise de contrôle active de la part des professionnels masculins. (...)
Connaître notre
histoire, c’est commencer à entrevoir le moyen de reprendre la lutte. »
« La femme tout entière est modelée et préparée de loin pour cet auguste office de la maternité, qui est le but suprême de sa vie terrestre. »
Ici, l’injonction est claire : la seule utilité d’une femme est d’enfanter. Le diktat de la maternité existe tout au long de la vie des personnes pouvant accoucher. En plus de cette pression sociale, lorsque le désir de maternité existe, la grossesse et l’accouchement sont idéalisés. Les difficultés liées à l’enfantement sont principalement dues à la méconnaissance des corps des femmes par la médecine ainsi qu’à la surmédicalisation de l'accouchement dans le but d'asseoir un contrôle médical patriarcal sur les corps dits féminins.
« Un enfant, si je veux quand je veux » « Droit à l'avortement pour toutes » « mon corps, mes choix » « PMA
pour toustes »...
Ces slogans sont des marqueurs de luttes. Ils ont pour point commun de s’ancrer dans la réalité des
corps. Car une réelle liberté de choix passe par une liberté effective à disposer de son corps.
C’est la raison pour laquelle, depuis les années 1960, les mouvements féministes se battent pour le
droit à l’avortement, pour la liberté de contraception, contre l’institutionnalisation du contrôle
exercée sur les corps, contre l’hétérosexualité obligatoire, contre un système binaire créateur de
normes enfermantes. Ces luttes remettent en question l’hégémonie d’un pouvoir médical qui ignore les
réalités des corps dits féminins, qui pathologise les corps des personnes transgenres et mutile les
corps des personnes intersexes.
Les objets présentés ici sont quelques témoins de ces luttes.
Dans un contexte médical hiérarchisant, les savoirs liés aux spécificités des corps assignés femme à
la
naissance, et des corps dits féminins, ne circulent pas dans la sphère publique. Les connaissances
liées
à ces corps (les règles et cycles menstruels, l’accouchement, les douleurs ou maladies
gynécologiques
etc.) restent non-dits. Ces silences font que l’intime devient un espace de repli sur soi.
C’est dans la perspective d’une réappropriation des savoirs et des corps que des groupes de paroles
en
mixité choisie ont vu le jour sous l’impulsion des mouvements féministes dès les années 1960. Dans
ces
groupes de paroles ou groupes de self help, l’écoute est bienveillante et sans jugement sur les
sexualités, la consultation gynécologique, contraception, l’accès à l’IVG, les droits en termes de
PMA,
l’auto-examen (pour le col de l’utérus, les seins). Le but est de retrouver une certaine confiance
en
parlant de l’intimité (douleur de règles, IVG, masturbation, accouchement, etc.) et en portant ces
questionnements sur la place publique.