Trouble dans le genre

illustration de genre

Fille ou garçon ?

Depuis notre enfance, nous avons appris à concevoir le « ou » de cette interrogation comme un élément essentiel à la compréhension (ou la construction sociale) du genre.

Ce « ou » implique qu’il n’y ait que deux choix possibles.
Ce « ou » efface tout une partie du paysage.
Ce « ou » rigidifie.
Et ce « ou » a de lourdes conséquences.
Et si ce « ou » disparaissait ?

Si à sa place il était possible de révéler toute une multitude d’identités, de rôles, d’expressions et de comportements ?

Pour cela, une déconstruction s’impose et l’espace dans lequel tu te trouves actuellement s’engage dans cette déconstruction.

Raconter le spectre du genre équivaut à spécifier les différences entre le sexe biologique, l’expression de genre et l’identité de genre.

Explorer la notion du genre en ouvrant les portes

“Toi ? Un garçon ? mais tu as des seins...”

Livre Don

L'Épouvantable épouvantail. Jacques Colombo, Éd. Papyros Graphic Art, 1983 Traduction grecque. Musée du Folklore et des Imaginaires.

Jacques Colombo est pseudonyme de Henri Vernes (1918-2021), romancier belge et créateur du personnage Bob Morane. Ce pseudonyme lui permet de publier dans les années 80 la série érotique Don (acronyme pour Danger, erOtisme, violeNce) sans que les jeunes lecteur·ice·s, fans du scrupuleux Bob Morane, ne découvrent cette série rose. Comme beaucoup de romans de gare de cette période, le sexe est très présent dans Don. Les personnages féminins y sont hypersexualisés et leur rôle réduit à celui de donzelles en détresse ou de perfides antagonistes, dans les deux cas avides de sexe. Un autre exemple d’hypersexualisation des corps féminins est celui présent sur les diverses étiquettes de bouteilles de bière. Du fait de la commercialisation de cette boisson, ces représentations sont très largement diffusées à l’international, perpétuant une image erronée, qui chosifie et rabaisse les corps féminins.

Schéma du Spectre des sexes

L’Occident tout entier pense de façon binaire. L’argument de la nature sert d'étendard pour asseoir la division binaire des rapports humains. Il y a d’un côté les hommes et de l’autre les femmes puisqu’il y a d’un côté les mâles et de l’autre les femelles. Le problème de cet argument supposément fondé sur la nature est qu’il est précisément contre nature. Le sexe aussi est une construction sociale. Car au vu de la pluralité des caractères sexuels (les caractères génitaux, gonadiques et chromosomiques), il existe bien plus que deux sexes biologiques.
Des personnes naissent intersexes, c'est-à-dire avec des caractères sexuels en dehors de ce que la médecine occidentale a érigé au rang de normes anatomiques du masculin et du féminin.

Cette normalisation des corps pour correspondre à un système culturel binaire est lourde de conséquences pour les personnes né·e·s intersexes qui subissent dans leur grande majorité des opérations de réassignation dès le plus jeune âge et qui doivent suivre des traitements hormonaux extrêmement lourds. Il arrive même parfois que les parents des nourrissons ne soient pas informés de la tenue de ces opérations, de leur gravité et de leur conséquence. Certaines personnes intersexes n’apprennent que bien plus tard qu’iels ont subi ces opérations. Les personnes intersexes se voient ainsi privées de leur droit à disposer de leur corps.

“tu devrais te maquiller un peu plus, tu n’es pas très féminine pour une fille”

Portrait d’une petite fille habillée en cow-boy

Portrait d’une petite fille habillée en cow-boy, Gaufroy Fernand, peinture à l’huile, Musée du Folklore et des Imaginaires.

Gaufroy Fernand, peintre tournaisien du début du 20ème siècle réalise une toile représentant sa fille, Lucille, en habit de cow-boy. Elle tient un fusil et porte un chapeau qui semble trop grand pour elle.
Aux yeux de la norme binaire, ces vêtements et accessoires sont issus d’un univers masculin. Pourtant, jusqu’au 14ème siècle, le costume était unisexe et hommes comme femmes portaient des robes. Ce n’est qu’au 19ème siècle que le costume est devenu foncièrement différent selon les genres, avec ce qu’on appelle « La Grande Renonciation Masculine », moment où les hommes ont arrêté de se maquiller et ont commencé à porter un costume noir trois pièces. Cette construction genrée du vêtement et de la mode est donc récente dans notre histoire. Les codes vestimentaires sont arbitraires, culturelles et évoluent selon le contexte politique et historique.

Photo vaporeto

Cette photographie est l’aboutissement d’une collaboration artistique entre Bart Decobecq, photographe et Olivier Reman, artiste plasticien et professeur d’atelier en option mode à Saint-Luc à Tournai.
Olivier Reman « sème le trouble » : « Les matériaux textiles que j'utilise sont avant tout "vulgaires" et quotidiens (ficelles de colis, rideaux,..). Je me plais à les sublimer, pour les contextualiser ensuite, dans un univers poétique et décalé, inspiré de la peinture flamande et hollandaise du 15 ème siècle. »
La photographie conjugue décalage d’usage des matériaux et écart avec le stéréotype d’une masculinité viriliste.

Seringue et boîte de testostérone

Parfois, pour les personnes transgenres, le processus de transition implique l’hormonosubstitution, c’est à dire que ce traitement hormonal remplace les hormones sexuelles (testosterone ou oestrogènes) de la personne afin de transitionner vers le genre souhaité, en accord avec l’idée personnelle pour chacun.e de ce que signifie être homme, femme ou genderqueer, d’exprimer le genre ressenti lorsque celui-ci ne correspond pas au genre assigné à la naissance.

“Toi? Un garçon? Mais tu as des seins…”

certificat de naissance

Sur ce certificat de naissance, la seule indication du genre est le « e » inscrit à la fin du "baptisée''. Cette petite lettre est pourtant lourde de conséquences car elle inscrit la personne dans une norme binaire tout au long de sa vie. Cette norme, déterminée par le sexe qu’on attribue à chaque individu à sa naissance, enferme dans une éducation, des préjugés, des normes genrées parfois écrasantes.
Ne pas se retrouver dans ce système binaire peut conduire à défendre l’idée du genre par auto-détermination, ce qui pose la question du changement de la mention de genre sur les papiers officiels comme la carte d’identité. Ces changements impliquent des démarches longues, en interaction avec des personnes qui ne sont pas sensibilisées.

Schéma du Spectre genré

La binarité de genre ne suffit plus à raconter les possibles de chacun.e d’entre nous. Et s’affirmer en tant qu’individu au sein d’un groupe passe par le choix des mots que l’on choisit pour se raconter. « Homme », « femme », « personne non binaire », « homme trans », « femme trans », « agenre », « bigenre », « genderqueer » ne sont pas que des mots. Ce sont des espaces de quête de soi. Dans un monde binaire, ces mots d’un genre nouveau peuvent être mal compris. Mais ils sont essentiels et témoins des combats pour l’auto- détermination. Ces mots ne sont pas que subversifs, ils existent car ces identités plurielles existent.
« Nous voyons de nouvelles images, nous nous aventurons, nous racontons de nouvelles histoires. Nous ne sommes pas des hommes, nous ne sommes pas des femmes, nous sommes des tortues qui nous abreuvons dans les larmes des crocodiles. La question n'est plus de savoir qui est l'ennemi mais où est l'ami. » [citation vue sur les murs de la Villa Rohannec'h, Saint-Brieuc, en septembre 2020]
X